28-Souviens-toi !

Adrien n’a pas le temps d’entrer dans son appartement qu’il est brutalement poussé à l’intérieur par deux hommes qui claquent la porte derrière eux. Il fait volte-face et donne un coup de poing qui atterrit dans la main du type qui le fait pivoter sur lui-même et le plaque contre le mur, son avant-bras entoure son cou pendant que son autre main bloque le bras d’Adrien dans son dos. Le deuxième homme s’approche et observe Adrien de profil qui grimace, l’altercation de la veille l’a déjà endolori.

  • Laisse-le !

L’autre hésite.

  • Laisse-le, Sam !

Il relâche son étreinte et recule. Adrien reprend son souffle en se massant le cou. L’homme ne le quitte pas des yeux.

  • Je comprends… Je comprends qu’ils aient pu nous confondre.

Adrien lève les yeux sur lui et a un mouvement de recul. Il n’ose bouger de crainte que sa vision ne disparaisse. Léo contemple son double comme une chose curieuse.

  • Contrairement à ce qu’on m’avait dit, j’ai une famille. Tu parles d’une surprise ! J’ai donc un frère… Un jumeau ! Il rejoint Sam et lui fait une accolade. Tu te rends compte ! Et j’ai d’autres frères et sœurs ?

Incapable de prononcer un mot, Adrien lui fait signe que non. Léo revient vers lui et le toise.

  • Et des parents ? J’ai des parents ?

Adrien se remet lentement du choc. Il acquiesce. Léo se met à rire, mais sans joie.

  • Quelle merde !

Alors qu’il s’apprête à se détourner d’Adrien, celui-ci se jette dans ses bras et le serre de toutes ses forces, l’autre chancelle sous la surprise.

  • Eddy nom de Dieu Eddy ! C’est toi !

Léo ne fait aucun mouvement, il écarte les bras pour ne pas le toucher, comme s’il s’était agi d’un pestiféré.

  • Oh là on va se calmer le frérot !
  • Nom de Dieu Eddy ! Tu m’as tellement manqué !

Des larmes jaillissent des yeux d’Adrien qui le pétrit à nouveau dans ses bras. L’autre recule et se débarrasse de son étreinte.

  • Je ne suis pas Eddy, d’accord ?
  • Bien sûr ! Bien sûr ! Ils ont changé ton nom ! C’est normal ! Tu…
  • Ne t’emballe pas mon vieux ! Je m’appelle Léo et je n’ai rien à voir avec toi !
  • Je comprends ! C’est un choc pour nous deux !

Adrien pose ses mains sur les épaules de son frère. Il le dévisage, le regarde droit dans les yeux.

  • J’ai toujours espéré ce jour. Tu ne pouvais pas être mort et enterré quelque part ! Il fallait que je te retrouve ! Tu avais disparu mais…
  • Disparu ?
  • Oui disparu ! Enlevé !

Il lui prend les mains, mais Léo les enlève.

  • Arrête ton cirque !
  • C’est un miracle…
  • Moi j’appellerais plutôt ça une déveine ! Il faut que tu arrêtes de montrer ta trombine à la télé ! Ecoute mon vieux…

Adrien ne l’entend pas. Il va fouiller un tiroir et en ressort des photos qu’il étale sur la table de la cuisine devant eux.

  • Tiens regarde c’est nous ! Là c’est toi, là c’est moi ! On a piqué le vélo de papa ! Tu te souviens ?… Il faut que j’appelle papa et maman ! Tiens j’ai une photo d’eux. Bon ils ont changé depuis mais j’en trouverai une plus récente. Et là regarde ! C’est toi qui avais gagné cette voiture bleue, elle était tellement belle ! Je l’ai gardée pour toi, tu étais si fier ! Attends… Il se précipite vers un buffet moderne. Elle est là ! Je l’ai gardée pour toi. Tu te souviens ?

Adrien est comme fou, il tremble en revenant avec une petite voiture. Il la tend à Léo qui n’en veut pas.

  • Arrête tes conneries !

Adrien, pathétique, insiste.

  • Prends-la ! Je l’ai gardée pour toi ! Je m’étais promis que je te la rendrais ! Je t’en supplie, souviens-toi ! Regarde ! Je te la rends !

D’un geste large de la main, Léo envoie le jouet à travers la pièce. Adrien éperdu, se précipite et revient en le serrant contre lui. Léo perd patience.

  • C’est ridicule ! Je t’ai déjà dit d’arrêter tes conneries !
  • Non Eddy c’est pas des conneries, c’est pas ridicule ! C’est toute ma vie ! Toute ma vie depuis que tu as disparu !
  • Ce n’est pas mienne. Arrête de m’appeler Eddy ! Je m’en fous de ton histoire !

Adrien ravale un sanglot.

  • J’avais tellement peur qu’ils t’aient tué !
  • J’ai l’air mort ?
  • Je te vois toutes les nuits Eddy ! Je t’appelle et tu ne réponds pas ! On est dans un trou tous les deux ! Tu tombes et je n’arrive pas à…
  • Boucle la, j’ai pas le temps.
  • Je t’ai cherché partout !
  • Tu vas arrêter tes émissions à la con et te faire oublier.
  • C’est grâce à ces émissions…
  • Ça nuit à mon business tu comprends ? Tu en as déjà fait les frais, non ?
  • Ces émissions… sont mes bouteilles à la mer ! Elles t’ont ramené à moi.

Léo éclate de rire et s’adresse à Sam.

  • Quelle plaie !

Adrien reste sans voix. Dans un sursaut, il saisit son frère par le col.

  • Ils t’ont lavé le cerveau mais je t’aiderai. Je t’en supplie ! C’est moi Eddy, je suis là ! Nom de Dieu ! Je suis Adrien ! Adrien ! Souviens-toi !

Sam s’interpose et le repousse. Adrien s’appuie sur la table. Ses photos lui échappent des mains, des larmes roulent sur ses joues. Léo reprend en s’avançant vers lui.

  • On se ressemble peut-être mais on n’a vraiment rien en commun. T’es une vraie lavette mon pote alors arrête de miauler et écoute-moi bien. Il faut que tu arrêtes de foutre la merde en faisant le malin dans ton émission et surtout laisse-moi tranquille. Je te demande pas grand-chose tu vois, juste de te faire oublier et de faire comme avant, comme si j’étais mort.
  • Mais je n’ai jamais fait ça Eddy ! Jamais !

Léo a un regard surpris. Adrien fait un mouvement vers lui mais l’autre continue sans pitié.

  • Tu ne m’intéresses pas ! Je ne veux rien savoir de toi ! Je vais reprendre ma route et toi la tienne et tu vas me foutre la paix ! J’ai été clair ?

Adrien va pour répondre, Léo lui décoche un coup de poing qui l’envoie s’écraser sur la table basse qui se fracasse sous son poids. Les photos s’éparpillent. Adrien regarde son frère avec stupéfaction, il sent un filet de sang couler de sa bouche.

  • Pourquoi tu fais ça ?
  • On va arrêter les bavardages à la con, j’ai pas le temps et t’as pas l’air de vouloir piger !

Léo revient sur lui, Adrien ne fait rien pour se défendre. Il le relève et le frappe à nouveau au visage.

  • Tu ne dois plus montrer ta tronche à la télé ! T’as compris ?

©lenferdudecor

29-Sans pitié

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