Les chiens aboient, surexcités. La fenêtre s’ouvre, Mady se penche, exaspérée.
- Vous allez vous taire oui !
Ils montrent les crocs et grattent leurs pattes contre l’arbre. Mady sort de la douche, ses cheveux gouttent, elle serre les bords de la serviette contre sa poitrine. Il n’y a qu’une personne pour attirer ses chiens sous sa fenêtre mais elle a du mal à croire que ce soit possible, pourtant elle aperçoit la silhouette d’un homme parmi les branches.
- Adrien, c’est toi ?
Il avance la tête.
- J’étais justement en train de leur demander de la boucler.
- C’est quand même leur boulot de prévenir quand quelqu’un entre par infraction.
- Je suis en infraction ?
- Oui monsieur.
- Ah oui, c’est depuis HALVR ?
- C’est quoi ça HA…
- L’Homme A La Voiture Rouge.
- Tu veux parler de GC ? Tu ne manques pas de culot ! Est-ce que je te parle de…
- GC… Je n’aurais pas mieux fait !
- Gaétan Caul si tu veux savoir.
- Je pensais plutôt à Grand Con ou Gros Connard.
- Je te rappelle que c’est lui qui t’a ramené chez toi à la sortie de l’hôpital.
- Oui et bien je pouvais tout aussi bien prendre un taxi.
- Rentre chez toi Adrien, ça vaudra mieux. Tu n’as rien à faire…
- Il n’est pas là ?
- Non heureusement pour toi, il te botterait les fesses !
- Je voudrais bien voir ça.
Adrien se pelotonne dans les branches, il n’a pas l’air de vouloir bouger. Mady soupire.
- Je sors ce soir et je voudrais bien pouvoir me préparer. Et toi aussi d’ailleurs.
- Qu’est-ce que tu dis ?
- Rien!
- Moi aussi je sors ce soir mais ça ne m’empêche pas d’être là.
- C’est ce que je vois…
Elle rit sous cap en imaginant la tête qu’il fera quand il la verra au restaurant.
- Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu veux ?
Adrien réfléchit un moment.
- Je ne sais pas.
Mady s’appuie sur le rebord de la fenêtre, moqueuse.
- C’est la nostalgie ou quoi ?
Il ne répond pas. Il regarde les chiens qui se sont couchés au pied de l’arbre.
- Même eux, ils laissent tomber… Ça ne va pas fort. Même dans cet arbre je me sens mal.
- Ce n’est pas très confortable.
- Tu te moques, tu as raison.
- Allez viens. Rentre cinq minutes si tu veux.
Adrien lance un clin d’œil aux chiens et escalade jusqu’à la fenêtre de Mady qui referme derrière lui. Il la regarde de la tête aux pieds.
- Tu es dans un état ma pauvre, ça ne te réussit pas de fréquenter HALVR.
Mady lève les yeux au ciel. Il se laisse tomber sur le lit, pose ses mains sur sa poitrine et regarde le plafond.
- Je fais la momie.
- Si tu veux, moi je dois me préparer.
- Tu as raison. Fais comme si je n’étais pas là Mady.
- Arrête de te conduire comme un crétin.
Elle laisse tomber sa serviette et se dirige nue vers la salle de bain. Adrien la suit des yeux. Elle passe la tête par la porte.
- Raconte-moi plutôt ce qui se passe.
Il se tourne vers elle, cale un oreiller sous sa tête.
- Tout le monde s’attend à ce que j’aille bien comme si rien ne s’était passé dans ces entrepôts. Un type m’a pourtant tué là-bas.
Elle revient vêtue d’une liquette blanche en satin. Elle s’assoit au bord du lit et se frictionne les cheveux.
- Tu fais un beau cadavre, bien enquiquinant.
- J’ai changé Mady. Je n’arrive plus à faire semblant. Tu sais, j’ai passé un moment avec Eddy, un moment très court durant lequel je n’ai même pas pu le serrer dans mes bras… De toute façon il ne se serait pas laissé faire. Il ne peut pas me blairer.
- Parce qu’il ne te connait pas.
- Je n’ai que ça. Ça.
Il sort de sa poche le morceau de carte déchiré.
- C’est quoi ?
- Il m’avait dit qu’il me le ferait parvenir s’il s’échappait. Ce truc est sensé me rassurer, me signifier qu’il va bien.
- Il te l’a donné ?
Elle prend le bout de carton, le tourne dans tous les sens et le lui rend.
- Je l’ai reçu à l’hôpital dans une enveloppe. Ce truc si précieux pour moi, je l’avais jeté à la poubelle. Je ne savais pas que l’enveloppe le contenait. J’ai failli passer à côté. Tu te rends compte ?
- Ton frère va bien alors, il a réussi à s’en sortir. Même si tu ne sais pas où il est, en tout cas il est sain et sauf. C’est bien ce qui t’as toujours préoccupé.
- Il est surtout en danger va savoir où.
- Adrien…
Elle s’allonge à son côté, caresse son front puis ses joues. Son visage s’approche, elle murmure doucement.
- Ne te torture pas, ce n’est pas juste. Prends les choses comme elles viennent.
- Mais comment veux-tu que je les prenne ? Tout va de travers !
- Il ne ressemble en rien au frère que tu cherchais, pourtant un miracle s’est produit. Tu l’as retrouvé !
- C’est lui qui m’a trouvé ! Tu as vu ce qu’il m’a fait ce salop !
- Je n’aurais jamais cru cela possible !
- Moi non plus
- Ton frère n’a pas été assassiné comme tu le redoutais. Il faut que ça te suffise, ça doit te rendre heureux.
- Il était retenu prisonnier, si tu avais vu dans quel état je l’ai trouvé ! Il a dit que c’était de ma faute…
Il s’interrompt, reprend son souffle.
- Je le déteste !
Elle l’observe avec tendresse.
- Je ne crois pas Adrien.
- Maintenant il se terre je ne sais où et mon père…
- Eddy s’en est sorti tout seul jusqu’ici et il va continuer.
Adrien regarde Mady penchée sur lui, ses yeux insondables, ses lèvres pâles, ses mèches humides… Elle se redresse il la retient, l’attire à lui et l’embrasse.
- Tu es la seule à savoir me consoler.
Elle sourit et l’embrasse à son tour.
- C’est bien de t’en rendre compte.
Il la couvre de baisers, ses mains passent sous la liquette et remonte jusqu’à la lui passer au-dessus de la tête. Il serre dans ses bras son corps nu si irrésistiblement doux.
- GC va faire la gueule si…
- Je ne sais pas qui pourrait le lui dire…
Il l’enlace. Le portable de Mady vrombit. Adrien soupire.
- On s’en fout. Ne décroche pas.
- Ce doit être GC, il vient me chercher.
- Il repassera.
- Non Adrien, il arrive
- Lui au moins il fait les choses dans les règles. Il appelle pour dire qu’il vient, après il va sonner au…
A ce moment le carillon du portail résonne dans toute la maison.
- Déjà ? Qu’est-ce que je disais ! Les pneus vont crisser dans l’allée, il va se présenter sur le perron et moi je vais sauter par la fenêtre !
Mady éclate de rire en se redressant.
- C’est sûr qu’avec lui je n’ai pas de surprises, tout est téléphoné ! Bon, je regrette Adrien…
Elle lui lance un regard langoureux.
- Il vaut mieux que tu te sauves, je ne veux pas que GC te tape.
- Je peux lui en coller une aussi !
- Non Adrien, il n’y a pas de raison, par contre lui pourrait en avoir une bonne !
- Il fait chier à se pointer comme ça !
Mady sourit en haussant les épaules. Adrien se lève et se dirige vers la fenêtre sans se presser.
- Adrien ?
Il se tourne vers elle, pensif.
- Quoi ?
- J’aurais aimé que cette petite visite, tu me la fasses il y a des semaines.
Il hausse les épaules.
- Il fallait le dire…
Il escalade le bord de la fenêtre.
- Je n’aurais pas dû venir. Ce soir j’ai rendez-vous avec quelqu’un. Je sais pas ce qui m’a pris.
©lenferdudecor
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