L'odeur du sang

52-L’odeur du sang

  • Tu en as mis du temps !

Vincent Bicalène se retourne lentement. Gandeze se tient derrière lui, jambes écartées, les bras pliés sur la poitrine, encadré par une troupe d’hommes armés.

  • Salut Ted.
  • Salut Vincent.

Bicalène porte la main à sa poche. Gandeze hoche la tête.

  • Bouge pas mon vieux, mes hommes sont nerveux. Nous sommes sur le départ comme tu l’auras remarqué.
  • Où est Eddy ?
  • Je ne connais pas de Eddy.

Gandeze éclate de son rire inquiétant, il sort son arme et la dirige vers Adrien qui vient d’apparaître au coin d’un bâtiment.

  • Dis au fiston de nous rejoindre vite fait. Explique-lui que je suis pressé d’en finir.

Gandeze jauge Adrien et dirige ses petits yeux sur Bicalène.

  • Nous nous retrouvons enfin !

Adrien rejoint son père lentement, le marche peu assurée, le coeur lourd à en crever. Gandeze s’avance, provocateur.

  • Tu es venu chercher ton fils ?

Il dévisage Adrien qui se sent pâlir.

  • Voici donc « l’autre », la réplique… Ils n’ont certainement pas les mêmes cicatrices !
  • Papa ?
  • Ton papa a enfin retrouvé Gandeze !
  • Où est mon fils ?
  • Tu t’es servi de lui. Il fait un signe de tête dans la direction d’Adrien. Pour me retrouver.
  • Où est-il ?

Adrien sent son cœur se serrer, il étouffe… Il étouffe et il ne comprend rien. Ses jambes tremblent et elles le portent vers Gandeze, son père l’agrippe au passage.

  • Reste là Adrien, ne t’approche pas de lui.
  • Ton père a raison mon garçon. Il me connait bien. Ne sois pas inconscient.
  • Dis-moi où est mon fils, Gandeze.

Il lui indique d’un mouvement de tête une caisse de forme rectangulaire qui pourrait contenir un corps.

  • Il est là ton fils !

Adrien tente de retenir son père mais celui-ci se précipite, la peur au ventre. La caisse est vide. Bicalène reste un moment sans bouger, sous le coup de l’émotion, le regard figé sur la caisse, le cœur battant.

  • A quoi tu joues Gandeze ?
  • Je ne joue jamais. Je ne plaisante pas non plus. Tu le sais.

Bicalène se tourne vers le colosse.

  • Je ne repartirai pas sans mon fils.
  • Qui te parle de repartir ?
  • M’avoir pris Eddy, m’avoir privé de lui pendant toutes ces années ne te suffit pas ?
  • Tu devrais me remercier, je ne me suis pas débarrassé de lui, je l’ai gardé au chaud. Je l’ai éduqué, en attendant de te revoir. Je ne suis pas comme toi, moi. Je ne tue pas les enfants.

Adrien rejoint son père et s’accroche à son bras. Bicalène l’évite. Gandeze avance.

  • Tu devrais expliquer à ton fils !

Adrien tire sur le bras de son père. Bicalène se dégage d’un coup sec sans un regard.

  • C’est pas le moment !

Gandeze éclate de rire.

  • Ce n’est jamais le moment pour les mauvaises nouvelles ! Tu ne lui as jamais parlé de ton frère de sang ?
  • Papa ?
  • Je t’expliquerai plus tard.
  • Il ne t’expliquera rien plus tard ! Plus tard, c’est maintenant mon vieux. Parle à ton rejeton et qu’on en finisse !

Bicalène évite le regard de son fils. Adrien pense à Sam baignant dans son sang et à son frère, faible et blessé. Il faut qu’il dise à son père qu’Eddy est là, tout près d’eux. Le colosse pousse Bicalène et vient se planter devant Adrien. Les hommes de Gandeze ne les quittent pas des yeux.

  • Ton père ne t’a jamais parlé de son passé, de son « avant », avant toi, avant ta mère ?

Adrien ne répond pas mais ne quitte pas son père des yeux, son père dont la physionomie est méconnaissable.

  • Il ne t’a jamais raconté ses aventures ? Il tirait sur tout ce qui bouge à l’époque, il ne faisait pas dans la dentelle ! Et ça, c’était avant même qu’il me trahisse…
  • Papa…

Gandeze vocifère, les veines de son cou jaillissent d’un bloc.

  • Quoi papa ? Nous étions comme des frères et il m’a tué ! Il m’a tué !

Adrien se tourne vers Gandeze.

  • Vous n’êtes pas mort.

La grande main de Gandeze brasse l’air pour s’abattre sur Adrien qui en tombe à la renverse. Bicalène se jette sur lui mais est immédiatement stoppé par ses complices. Gandeze saisit Adrien par le col, le relève et se tourne vers Bicalène sans lâcher Adrien.

  • Regarde-le ! Regarde ton père ! Avec son regard pur on ne pourrait pas imaginer qu’il a volé, triché, tué…Tu entends ? Je vois bien que tu comprends rien à ce que je te dis mais crois-moi. Il fait un mouvement de tête vers Bicalène. Cette pourriture a assassiné une famille, il y avait un petit garçon de six ou sept ans, il y est passé aussi.
  • Ça suffit Gandeze !
  • Vous êtes malade !
  • J’aurais préféré l’être que d’assister à ça parce que ce n’était pas notre mission de tuer ces gens. Après ce carnage, tu veux que je te dise ce qui s’est passé ?

Gandeze sert d’avantage son étreinte, Adrien manque d’air et tousse.

  • Il m’a demandé de le couvrir, cet enfoiré ! « Pas cette fois » je lui ai dit ! Tu comprends bien que c’était pas la première fois qu’il déconnait !

Il repousse en arrière Adrien qui se cogne aux hommes derrière lui qui le bloquent.

  • Alors tu sais ce qu’il a fait ? Il m’a tiré dans le dos.

Le colosse éclate de rire mais son rire est interrompu par un remue-ménage à l’entrée des entrepôts, on entend des véhicules se garer à la hâte, une sirène résonne dans les bâtiments. Gandeze se tourne vers Bicalène

  • Sois heureux si je te laisse la vie sauve mon frère. Et si j’embarquais celui-là aussi ?

Bicalène se débat mais les types ne relâchent pas leur étreinte. Il fait signe à un de ses hommes qui le frappe derrière la tête. Bicalène s’écroule lourdement. Gandeze dévisage Adrien que la peur a fait vaciller. Il regarde son père gisant, impuissant.

  • Je te rassure, je plaisantais. J’ai fait payer à ton père sa trahison en lui prenant son fils, mais je ne l’ai pas tué. Maintenant c’est Léo qui va payer sa dette.

Adrien gesticule pour leur faire lâcher prise. Gandeze qui s’éloignait se tourne vers lui.

  • Lâchez-le !

Adrien se précipite vers Gandeze qui lève son arme sur lui.

  • Ne joue pas avec moi mon garçon c’est tellement tentant ! J’ai l’impression de voir Léo en face de moi ! Tu sais que lui et moi nous avons un compte à régler.

Adrien s’arrête net et commence à reculer.

  • Tu ne connais pas les règles, c’est un peu tard pour les apprendre.

Il vise Adrien qui continue à reculer et tire. Foudroyé en pleine poitrine, il est projeté en arrière.

  • Tu auras au moins ça en commun avec ton frère !

Un homme rejoint Gandeze et lui parle à voix basse. Celui-ci fait un signe à ses hommes. Ils disparaissent parmi les entrepôts, laissant le fils et le père inconscients.

Une violente détonation éclate suivie de plusieurs autres. Gandeze a prévu quelques diversions pour les importuns, ces troupes armées qui envahissent les lieux.

©lenferdudecor

53-Dans l’attente

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