54-Nouveau projet

Gandeze traverse plusieurs bureaux encombrés de postes de travail bruyants. Il est impatient. Il sait que Baredely nourrit un nouveau projet. Les gens se croisent, s’interpellent, téléphonent, se déplacent. Certains saluent Gandeze au passage mais celui-ci est muré dans un silence et une froideur qui découragent toute chaleur humaine. Il atteint une porte à laquelle il expose un badge. Elle s’ouvre automatiquement sur un sas semblable à l’entrée d’une banque, se referme derrière lui et engloutit avec elle le ronronnement des bureaux. La deuxième porte dévoile un élévateur. Il appuie son front contre un support et braque ses yeux sur une lunette, un faisceau balaie ses pupilles et valide son identité. L’ascenseur se referme et descend sans qu’aucun voyant n’indique l’étage. La porte s’ouvre sur un vigile.

  • Où il est ?

Le type incline la tête vers une cellule dont la porte est grande ouverte. Les poignets attachés aux barreaux, Léo s’est assoupi à même le sol malgré l’inconfort de sa position, la fatigue et la douleur ayant eu raison de sa résistance.

  • J’en ai pas fini avec toi tu te souviens !

Léo se réveille en sursaut. Gandeze défait son ceinturon et le frappe, une main le retient alors qu’il s’apprête à recommencer.

  • Qu’est-ce que tu fous Gandeze, arrête !

Celui-ci a un geste de fureur comme un chien se rebiffe contre son maître ce qui laisse André indifférent.

  • Baredely va être furieux !
  • J’emmerde Baredely ! Léo m’a trahi ! Je lui faisais confiance, je comptais sur lui ! Il m’a trahi comme son père ! Comme son père !

Léo relève la tête.

  • Quoi mon père ?

Gandeze crache par terre. André le pousse.

  • Arrête avec tes vieilles histoires ! Les projets de Baredely sont plus importants que ta rancœur ! Sors d’ici, il veut te voir.

Gandeze sort. André jette un œil à Léo qui se redresse lentement.

  • Qu’est-ce qu’il raconte ? Gandeze connait mon père ?

André ne répond pas, il s’adresse aux hommes qui l’attendent dans le couloir.

  • Conduisez-le salle 5.

Baredely allume son cigare et s’enfonce dans le fauteuil. Une équipe de médecins termine d’étudier sur un mur lumineux des agrandissements de clichés pris sur le corps d’un homme. Gandeze entre bientôt suivi d’André. Ils observent sans mot dire les photos. Baredely soupire, impatient.

  • C’est pas la peine de discuter des heures. Je veux juste savoir si c’est réalisable et en combien de temps ?

Les médecins se consultent du regard. Un rouquin aux mains noueuses repousse ses lunettes sur son front.

  • Oui, c’est réalisable. Difficile par contre d’évaluer le temps que cela prendra.

Baredely tire sur son cigare, de mauvaise humeur. Il regarde Gandeze.

  • Si tu ne l’avais pas abîmé, ça aurait été plus vite.
  • Je ne l’ai pas tué. Et son frère non plus.

Baredely vocifère sans que ses propos soient audibles. Léo est poussé brutalement jusqu’au groupe qui le dévisage. L’air misérable à moitié nu, les poignets toujours solidement entravés, Léo a du mal à rester debout. Gandeze voit tout de suite à son regard, qu’il ne se considère pas encore vaincu. Un des gardes tend à Gandeze une carte de visite déchirée.

  • Il avait ça dans sa poche.

Gandeze observe le bout de carton. Il lit une moitié d’inscription « manager », « …té audiovisuelle ». Il lève les yeux sur Léo qui soutient son regard. Gandeze lui sourit, ironique, en agitant la carte. Baredely se lève et s’adresse à Léo.

  • On a décidé de t’offrir une chance de te racheter, qu’est-ce que tu en penses ?

Léo le toise, ironique.

  • Si vous voulez que je fasse quelque chose pour vous, il faut d’abord que vous fassiez quelque chose pour moi.

Gandeze se redresse, menaçant mais Baredely lui fait un signe de la main.

  • Son aplomb t’a toujours plu alors tais-toi. Je t’écoute.

Léo se tourne pour leur exposer son dos où une trace rouge et boursouflée est venue rejoindre les autres marques.

  • Que ce type… Il fait un mouvement de tête vers Gandeze. m’évite, qu’il ne m’approche plus. Il prend de mauvaises habitudes dès qu’il me voit, ça ne me réussit pas.
  • C’est ce que je vois ! Baredely lance un regard noir à Gandeze. C’est accordé ! Autre chose ?
  • Un whisky bien tassé et une pizza chef !

Baredely esquisse un sourire. Léo aperçoit les photos exposées sur le mur. Il s’en approche, reconnait le tatouage sur la poitrine, découvre la blessure par balle. Il comprend qu’il s’agit de son frère. Il fait volte-face et se jette sur Gandeze. Les hommes de main l’obligent à lâcher prise et le ramènent de force jusqu’à Baredely.

  • Ce salopard a …
  • Ne t’inquiète pas, il va bien.
  • Je ne m’inquiète pas !
  • Je vais te parler de ta future mission.

Léo jette un œil à Gandeze qui « s’évente » encore avec le morceau de carte. Il se tourne vers Baredely.

  • Allez vous faire foutre !
  • Ton frère travaille à la télévision, c’est très intéressant pour nous. Tu vas prendre sa place. En échange on te rendra ta liberté, si tu la souhaites.

Léo éclate de rire.

  • Vous croyez sérieusement que je vais gober ça ?

Baredely lui envoie une gifle magistrale qui le fait tituber.

  • Ne t’adresse pas à moi sur ce ton, maintenant tu vas la boucler. Après cette mission, on te rendra ta liberté, je n’ai qu’une parole.

Baredely fait un signe à ses hommes qui couchent Léo de force à plat ventre sur une table surplombée d’un puissant faisceau.

  • Cela dit, j’ai une petite précision pour toi. Tu as une dette envers nous, je ne te demande pas une faveur, compris ? Tu vas faire exactement ce qu’on te dit. Je suis déjà bien assez bon de te promettre ta liberté et ça, tu le dois à Gandeze !
  • Si ce salopard ne m’avait pas enlevé à ma famille, vous n’auriez pas à me libérer !

Ils le maintiennent, le rouquin chausse ses lunettes et positionne une loupe pendant que son assistant retire les pansements. Ils inspectent la cicatrice à l’épaule, les marques et le tatouage.

©️lenferdudecor

                                                                                      55-Bilan

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